URLM 2017: ultra raid de la Meige
Bretons au TIBET
Où quand 2 bretons montent une expéditions v.t.t. et se lancent à l’assaut de cols et de pics sans oxygène et sans assistance.
URLM 2017: ultra raid de la Meige. Un nom qui ne dit pas que rouler sur ce terrain là veut dire souffrir. Situé dans les hautes Alpes, entre Grenoble et Briançon, le raid s’étale sur 2 jours, soit au menu: 70 km et 50 km et 3000m D+ /2500m de D+. Ici tout est ULTRA. Ultra raide, ultra froid, ultra pentu, ultra long, ultra beau, ultra sympa, ultra solitaire, ultra silencieux, ultra majestueux. Le terrain de jeu qui nous est imposé, est situé entre la vallée de la Maurienne et la vallée de l’Oisans. Les cols du Lautaret et du Galibier sont de la partie mais pas comme vous le pensez, style tour de France. La sauce est plus forte: double dose de pente saupoudrée de givre. C’est plus fun et plus virile.
Voici le récit de ces 2 jours au coeur du plus beau raid des Alpes. A ma sauce.
Un défit plus qu’un pari. « Terminer ce genre de raid est déjà une réussite en soit. »
Quand Startrek entraine Gollum dans l’intersidéral espace-temps du réel et de la fiction, ça donne des effets spéciaux. On est devenu des mutants. Mi-mutants, mirobots. Capable d’affronter les éléments hostiles et de survivre. 5 jours avant le départ, la pluie et la neige avaient comme point d’impact, la Meije. A la fois pic et glacier, la Meije culmine à 3982 m et le bas du glacier: 2600m. On décide d’un nouveau camp de base: de la tente queschua tibétaine, on passe à l’igloo 5 étoiles. Vendredi 19h, breefing du chef de la colonie. Les consignes sont claires: seul les solides et lucides survivront. Au moins dans ta tête est ancré le refrain: « marche ou crève ». Marcher, on a fait. La logistique est en place: des relais radio sont placé aux endroits stratégiques pour assurer les communications ( pas pour toi et ton smartphone à 700 boules) mais uniquement pour la sécurité. Le vaisseau spatial est sur zone: évacuation des blessés
par voie aérienne. 400 riders c’est peu et beaucoup à la fois quand toutes les emmerdes se donnent rendez vous au même endroit.
Le PC course est au village de la Grave (1500m d’altitude), ligne d’arrivée du raid pour les 2 jours. Notre QG est à Villar d’Arène (1600m d’altitude) distant de 3km, ligne de départ du samedi également. Comme ça, on prend le café sur place. Samedi: 6h. Nuit noire, -6°. Bienvenu en enfer. Le roadbook prévoie 1000m de D+ pour 16km. Pour une entrée en matière, je vous laisse apprécier. Frontale ajustée, la danse des canaris jaune fluo commence. Décollage dans la douleur. Pas de jambes, pas de souffle. Canard boiteux! Le jour se lève quand nous atteignons le col du Lautaret. 2057m d’altitude. 6km e 1h!!!!!!!! Une piste tranquille qui nous a fait retirer 2 épaisseurs d’un seul coup! On va finir comment? Hé Hé! On lève la tête: le Galibier. Un col à prendre en gilet jaune, à défaut du maillot jaune! Certainement le pire moment de VTT de ma vie de rider. Ultra pentu, ultra gelée, on doit notre survie à nos crampons mavic sous nos mocassins de pingouins sur la banquise. A cet endroit, le bike sur le sac, la pente à 45%, le premier qui tombe fauche les autres et c’est retour à la case départ sans toucher les 20000, 200m plus bas. Un bowling en relief!
Le Galibier: un col entre les départements de la Savoie et des hautes Alpes, fermé l’hiver par la neige et reliant la vallée de la Maurienne à Briançon et la vallée de l’Oisans (alpe d’Huez: mégavalanche et les 2 alpes: mountain of hell). Choisissez. Nous, on a choisi l’ultra raid. Bilan au col, il est 9h. Les 2 mains sur le gobelet de thé bouillant: il fait -7°; le soleil n’assure pas encore le dégèle. On a parcouru 16 km en 3h. 1000m de D+ en guise de petit déjeuner. Et maintenant le plat de résistance: plan Lachat et le massif des Cerces. A vos cartes! 56km et 2000m de D+. Va falloir faire le plein du réservoir pour arriver au bout. Ce n’est pas qu’on est à la ramasse complètement, parce qu’on n’est pas dernier, mais le souffle, les jambes et le coeur de sont pas sur l’alignement des planètes. Dès que tu fais un effort, tu rentres dans la zone rouge autant dire tout le temps. L’ennemi est invisible. Mais il sévit.
Bon le moral a pris un coup, mais on n’est pas encore sur la touche. Maintenant on inverse la pente et un peu de D- va nous remplir le réservoir confiance. Ah oui, c’est sans compter sur le gel du terrain. Pas un va échapper à la glissage. Les premiers mètres sont pour les chamois. La suite est plus fun. Tu fais ta trace dans l’alpage gelé, le grip y est meilleur que dans la trace officielle. Les mains engourdis par le froid,
agissent sur les leviers de frein délicatement sinon ta roue arrière t’échappe
brutalement. La finesse du pilotage dans toute sa splendeur. On maîtrise un peu! Le soleil met le feu au paysage. Température positive. On passe les portes horaires dans les temps. Ca c’est positif. Les ascensions sont compliquées: souvent à pied, elles nous
minent le moral. Un regard, un mot à son équipier peut tout faire basculer. A midi dans l’alpage, on se pose comme la plupart des riders. Plein le cul! On cherche les justificatifs pour continuer. On repartira vers le massif des Cerces pas convaincu par le timing horaire tant la moyenne est petite: - de 6km/h. Souvent au dessus de 2000m d’altitude, pas d’arbres et le silence est impressionnant. Nous sommes petit devant ce désert minéral mais tellement envoutant pas sa beauté. Les chamois et les marmottes habitent le quartier, parait il. Les marmottes: on le sait par les trous qu’elles ont creusé! Pratique si tu as un trou à faire! Penses y pour ton jardin. Chacun sa route, chacun son chemin, le monde du silence s’installe, en respect à cette nature que l’on ne veut pas déranger. C’est aussi un moyen de puiser au fonds de soi-même, le courage et la force morale de continuer. J’ai ignoré pendant un long moment, le temps n’est plus mesurable à ce stade, mon équipier, qui comptait certainement sur moi pour l’aider. On alterne les deux sens de la pente. Les montées sont longues au regard des descentes qui nous paraissent courtes. Le soleil fait monter la température. On retrouve de la motivation, ça devient plus joueur par endroit et on dépasse des riders
encore plus à la ramasse. Objectif: passer la barre des 55 km à 16h pour rester dans le timing du road book. Au km 51, la surprise promise est devant nous: on part sous terre pour 3 km. Nous passons du mode bipède au mode taupe. Nous prenons une galerie creusée pour faire passer un collecteur d’eau sensée alimenter une turbine électrique dans la vallée. On longera ce tuyau sur 3 km à la lueur de nos frontales dans une atmosphère saturée d’humidité. Oppressant cette portion de tunnel. De l’autre côté c’est le ravito 4 au km 54. Un refuge de montagne au milieu de nul part. Une halte pour la nuit pour quelques randonneurs qui auront eu la surprise d’avoir la neige au réveil. S’en suit la descente qui vous redonne la patate. Un single track où la précision de pilotage est obligatoire. La sanction: une chute de 300m de D- d’un seul tenant. On n’a
pas essayé, chef! un pur bonheur après tant d’effort. Pour nous, on pensait avoir assuré le passage à niveau et avoir validé notre ticket pour la dernière portion jusqu’à la ligne d’arrivée. Que nenni! On a du louper une partie du breefing car elle était déplacée au km 60. Le retard de 35 minutes va nous mettre hors jeu pour le circuit officiel. Le commissaire au C.P. 60 nous indique la direction à prendre mais notre peu de cerveau refuse d’abdiquer. C’est quoi le plan B chef? Ben, tout droit mais plus de balisage. Comme ça, on ne saura pas si on s’est trompé. A ce moment là, nous sommes à 1700m d’altitude. Il reste 10km à parcourir. Pas envi de rentrer tout de suite, on roulera encore un peu. Et dire que 5h avant, on voulait
bâcher! Devant la difficulté qui se dresse devant nous, on reporte au lendemain, la fin du raid 70km. La ligne d’arrivée à la Grave est à franchir quelque soit votre classement. C’est qu’on est comptabilisé pour des raisons de sécurité. Comme les moutons après la transhumance. On aura mis 11h30 pour 72 km. Je ne sais plus ce qu’on s’est dit à ce moment là mais la performance pur, c’est d’être en vie, entier, avec le vélo. Une victoire en somme! On a gagné, le droit de rejouer!
La soirée sera le moment ou nous déciderons de ne pas repartir pour la deuxième partie du raid, le dimanche. 50 km et 2500m de D+. Et nous serons pas les seuls. Reste un peu de travail sur le parcours 70km et du défrichage en free dans la vallée. Dimanche, il a neigé au dessus de 2600m. C’est froid mais majestueux. Le pain est frais, le café savoureux, le soleil envoie ses rayons pour une belle journée de ride.
Au programme: le pic de l’Aiguillon à 2100m. Sur la photo, c’est celui qui est à gauche. 500 de D+ depuis notre igloo, ici à Villar d’Arène. On entasse dans nos sacs le J.C.B.: le jambon-chips-banane. Le chouchen en bidon sur le cadre et c’est partie pour le camp de base pour le déjeuner. c’est au lac du Pontet (2020m), voir le diaporama sur youtube ou sur le blog pour comprendre, que nous savourons cet espace de montagne pour nous presque tout seul. Là, c’est le pied de pouvoir se poser sans chrono pour te foutre la pression. Le pic par la face sud. Alpage fraîchement fauché, ça roule propre
et détendu. C’est fun. Séance photo au sommet. Ca caille sans le soleil mais ce qui nous attend, c’est 600 de D- d’un seul tenant. Le gâteau du dimanche est servi! Arrivé à la Grave, on repartira rouler le circuit permanent le long de la rivière en bordure du parc des Ecrins et dans les deux sens, histoire de souffrir encore un peu. La fin de la récréation (environ 40km), marquera le retour de la pluie vers 16h30. Mais là, on était au chaud.
La sagesse l’a emporté. Le plaisir de rouler fut entier. L’ultra raid est un raid qui exige beaucoup et qui ne pardonne rien. Alors, pour y revenir, il faudra être encore
plus fort et masochiste! On en discutera un jour, peut être, hein! —————————— BRUNO, alias startrek
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